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France > Police / Justice >

Prison, Histoire, origine des détenus, erreur judiciaire...

 

 

 

Six accusés d'Outreau disculpés par la principale accusatrice

 

19/11/2005 07h14
AFP

 

PARIS (AFP) - La principale accusatrice de l'affaire de pédophilie d'Outreau, Myriam Badaoui, a avoué vendredi avoir "menti" et a disculpé les six accusés rejugés par la cour d'assises de Paris, donnant le coup de grâce à une accusation déjà très chancelante.

Les trois autres condamnés définitifs du procès de première instance à Saint-Omer - l'ex-mari de Myriam Badaoui, Thierry Delay, leur ancienne voisine, Aurélie Grenon et son ex-concubin David Delplanque -, ont eux aussi mis hors de cause les accusés, cinq hommes et une femme qui ont toujours clamé leur innocence.

Ces auditions qui s'ajoutent aux rétractations faites mercredi par deux enfants en faveur de l'abbé Dominique Wiel, sapent toujours davantage les charges contre les accusés. Le retour dans le prétoire, comme témoin, de la "reine Myriam" a aussi été pour elle l'occasion de dénoncer les méthodes du juge d'instruction Fabrice Burgaud, affirmant qu'il la traitait de "mère indigne" lorsqu'elle ne soutenait pas les dénonciations de ses enfants.

"Mes enfants donnaient des noms, je n'ai fait que suivre. J'arrive pas à comprendre pourquoi je suis descendue aussi bas. C'est comme si j'avais deux personnalités en moi. Il m'est passé une folie par la tête (...) J'ai menti", a déclaré d'une petite voix cette femme massive aux cheveux ras en sweat-shirt marine. A l'attention de l'abbé Wiel, elle ajoute : "Je lui demande pardon. C'est un homme remarquable".

Condamnée à 15 ans de prison pour le viols de ses fils, Myriam Badaoui, 39 ans, avait retiré ses accusations au début du procès de Saint-Omer avant de réaccuser les mis en cause, perdant toute crédibilité. "A quel moment doit-on vous croire?", lance la présidente. "Maintenant", lui répond Myriam Badaoui qui se présente comme une victime, obligée d'"obéir" à un mari violent. "Il faut que le juge assume aussi des choses. C'est facile de tout mettre sur mon dos", s'agace devant la cour celle qui a été considérée comme une "auxiliaire" du juge par la défense. Ses anciens voisins Aurélie Grenon, 25 ans (condamnée à quatre ans de prison) et David Delplanque, 32 ans, ont eux aussi accablé le juge "qui reposait toujours la même question jusqu'à" ce qu'ils changent leur version. "Je les ai inculpés (sic) pour rien. Leur demander pardon c'est pas la peine, ils en voudront pas", a ajouté David Delplanque.

Avant Myriam Badaoui, la cour avait fait une plongée dans l'univers sordide des Delay avec l'audition de Thierry : l'alcool, la collection de films d'horreur, pornographiques, la valise de "gonichets" (godemichés NDLR), la cassette porno comme cadeau de Noël pour le fils de 11 ans. "Je souhaite que ces six personnes sont innocentées, acquittées (sic). Ils ont été inculpés par mon ex-épouse. On n'était que quatre dans l'affaire", a-t-il affirmé, faisant référence à son ex-épouse ainsi qu'à Aurélie Grenon et à l'ex-concubin de celle-ci, David Delplanque. Depuis le procès de Saint-Omer, Thierry Delay, 41 ans, condamné à 20 ans de réclusion, est toujours resté sur la même ligne. "Ca me fait mal que ces six personnes soient dans cette cour d'assises", a ajouté M. Delay, autrefois quasi-muet mais aujourd'hui très volubile grâce à "une thérapie de groupe" en prison. Après avoir "présenté ses excuses" aux accusés, Thierry Delay, mal rasé et en pantalon de survêtement a eu une pensée pour François Mourmand "qui lui aussi était innocent" et s'est suicidé en détention provisoire.

Thierry Delay comme Aurélie Grenon n'ont pas fait appel alors qu'ils continuent de nier une partie des faits pour lesquels ils ont été condamnés, dont des agressions sexuelles sur les filles du couple Lavier, également rejugé. "Il n'y a jamais eu de filles" lors des abus sexuels des mineurs, a assuré Mlle Grenon, pointant une autre contradiction de taille de l'accusation.

L'audience reprendra lundi avec l'audition de Franck Lavier.

    Six accusés d'Outreau disculpés par la principale accusatrice, AFP, 19/11/2005 07h14, http://www.afp.com/francais/news/stories/051119071458.7bkf83ui.html

 

 

 

 

 

Procès d'Outreau :
les experts en psychologie mis à la question par la cour d'assises de Paris

 

18.11.2005 | 13h42 • Mis à jour le 18.11.2005 | 13h42
Article paru dans l'édition du 19.11.2005
Le Monde
Pascale Robert-Diard

 

D'où est-il parti ? De la gauche, où siègent les avocats généraux, des bancs de droite, où sont regroupés les avocats de la défense, des rangs serrés du public ou de la tribune occupée par la cour et les jurés ? Jeudi 17 novembre, un fou rire irrépressible, libérateur, a saisi la cour d'assises de Paris. A la barre, Christine Condamin, l'une des multiples experts qui avaient été chargés à Saint-Omer (Pas-de-Calais) de l'examen psychologique des enfants d'Outreau, afin de déterminer s'ils présentaient "un traumatisme psychique en lien avec une agression de nature sexuelle", rendait compte de ses conclusions concernant l'un des garçons accusateurs de Dominique Wiel.

Avec un infini sérieux, elle tirait de ses dessins d'un "papillon avec des trous", d'un poisson, de "deux ours qui saignent parce qu'ils se sont battus" ou d'une "tête de Martien, avec un drôle de nez", des conclusions définitives selon lesquelles l'enfant présentait des signes de "victime d'abus sexuels". Le micro resté ouvert de la présidente a renvoyé l'écho d'un premier fou rire. Mais c'est le très officiel "test du dessin qui n'est pas beau" qui a emporté les ultimes résistances de la salle. Louche, forcément louche pour "le contenu intropsychique de l'enfant" était cette "musaraigne à grosse queue, relevée vers le haut et proéminente". Pendant quelques secondes, l'affaire d'Outreau fut cette houle convulsive, secouant la salle d'audience et s'abattant sur une petite femme pointue, stupéfaite.

Après deux journées d'audition à huis clos des enfants, après l'effondrement des charges contre certains accusés et la mise à nu méthodique des absurdités de ce dossier, la cour avait sans doute besoin d'un exutoire, et les experts lui ont fourni une cible facile.

Le professeur Jean-Luc Viaux en fut une, et de choix. Après le verdict acquittant sept des dix-sept accusés de Saint-Omer, l'effondrement public de la piste des notables, de celle du réseau belge ou du meurtre d'une fillette, il avait tout à craindre du rappel des conclusions de l'expertise qu'il avait menée sur les trois enfants Delay. Pour tous, il avait estimé qu'"aucun des éléments de nos examens ne nous permet de penser que l'enfant invente des faits ou cherche à imputer des faits à des personnes non concernées".

Me Eric Dupond-Moretti, qui, après avoir été l'avocat de la boulangère Roselyne Godard, acquittée à Saint-Omer, assure en appel à Paris la défense de Daniel Legrand fils, a insisté pour qu'il relise ses conclusions devant la cour. Après que M. Viaux eut avalé ses mots comme autant de couleuvres, l'avocat les a relues, en détachant bien chaque phrase. Un supplice relayé par la présidente, puis par l'avocat général. Se défaussant sur la mauvaise formulation de la mission qui lui avait été confiée, puis sur sa collègue coexperte, le professeur Viaux a fini par concéder, du bout des lèvres, que "peut-être" il avait eu tort de qualifier de "crédible" la parole des enfants.

L'avocat général, Yves Jannier, a laissé exploser sa colère : "Monsieur l'expert, vous n'êtes donc pas capable de dire "Je ne sais pas !"" "Je reconnais que sur le plan syntaxique, la phrase pose des problèmes", a soufflé M. Viaux.

Le coup de grâce a été asséné, en fin de journée, par le psychiatre Paul Bensoussan, cité comme témoin par la défense. Dans cette enceinte, sa dénonciation de la "dictature de l'émotion" qui pèse sur les affaires sexuelles mettant en cause des mineurs résonnait amèrement. "Attention à cette exception sexuelle du droit au nom de laquelle aujourd'hui, parce qu'il faut éviter à tout prix une "douleur" à l'enfant, on porte atteinte aux droits élémentaires de la défense", a-t-il lancé, en évoquant la question de la confrontation entre accusateur et accusé, qui a été systématiquement refusée pendant l'instruction.

"C'est aussi évangélique que dévastateur, a observé M. Bensoussan. Un procès d'assises, c'est perturbant. Mais, ce qui est encore plus perturbant, c'est de faire grandir un enfant dans le statut de victime alors qu'il ne l'a pas été. Pour les accusés, cela peut se compter en années de prison. L'enfant, lui, prend perpétuité." "Dans ce domaine, le doute est une qualité professionnelle", a-t-il rappelé. Dans la salle d'audience, plus personne n'avait envie de rire.

    Procès d'Outreau : les experts en psychologie mis à la question par la cour d'assises de Paris, Le Monde, 18.11.2005 | 13h42 • Mis à jour le 18.11.2005 | 13h42, Article paru dans l'édition du 19.11.2005, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-711672@51-705791,0.html

 

 

 

 

 

A Nancy,
un détenu obtient qu'un expert examine ses conditions de vie en prison

 

10.11.05 | 15h45 • Mis à jour le 10.11.05 | 15h45
Article paru dans l'édition du 11.11.05
Le Monde
Nicolas Bastuck
CORRESPONDANT METZ

 

Le tribunal administratif de Nancy a fait droit, mercredi 9 novembre, à la requête en "référé constat" introduite par un détenu de la maison d'arrêt Charles-III, qui souhaitait qu'un expert soit mandaté pour décrire "avec précision" ses conditions de détention, qu'il juge "épouvantables".

 

Une procédure similaire, déposée concomitamment par un prévenu incarcéré au centre pénitentiaire de Metz-Queuleu (Moselle), est pendante devant le tribunal administratif de Strasbourg.

S'inspirant de la procédure lancée dans d'autres établissements, notamment à Caen, Nantes et Lyon (Le Monde du 2 septembre), Mes Liliane Glock et Dominique Boh-Petit, qui ont agi de concert, ont sollicité que les experts puissent se rendre "dans les meilleurs délais" dans ces deux prisons et y constater, "au regard des normes en vigueur" , l'état de la cellule occupée par leurs clients et le nombre de ses occupants. "L'expert pourra faire toutes les constatations propres à éclairer la justice", ont suggéré les deux avocates.

Mes Glock et Boh-Petit souhaitent obtenir un certain nombre d'éléments précis : volume de la pièce, efficacité du système de ventilation, entretien des parties communes (douches, coursives, parloirs, local d'infirmerie...), état des cellules d'isolement et de punition, etc. Alors qu'elles avaient songé à un géomètre-expert, "voire à un architecte" , c'est un médecin qui a été désigné par la justice. "Aux fins de décrire la cellule 101 (superficie, volume, aménagement, occupation, conditions d'éclairement...) et les espaces ou salles à usage commun utilisés régulièrement par le requérant" , détaille le juge des référés dans son ordonnance. "Le constat ne saurait toutefois conduire à un diagnostic complet de l'établissement" , précise-t-il.

"En détention provisoire, nos clients sont enfermés plus de vingt heures par jour avec d'autres personnes, dans une cellule de moins de 12 mètres carrés , font valoir les deux avocates. La fenêtre, placée très haut, ne fournit qu'une lumière chiche qui oblige à faire fonctionner en journée un néon aveuglant. La pièce est dans un état de délabrement avancé. Le plancher des coursives est défoncé et le local des douches ne fait l'objet d'aucun entretien sérieux, le manque d'hygiène favorisant au contraire la propagation de mycoses. La santé de nos clients, déjà dégradée, n'en est que plus altérée."

Dans sa requête, Me Boh-Petit, qui milite à l'Observatoire international des prisons (OIP), demande en outre à ce que le système de chauffage de la maison d'arrêt de Metz-Queuleu, "virtuel" , selon elle, fasse l'objet d'un "examen minutieux" . Les deux avocates ont visé plusieurs dispositions du code de procédure pénale. L'article D.349, notamment, qui prévoit que l'incarcération "doit être subie dans des conditions satisfaisantes de salubrité" . L'article D.350, aussi, qui impose que les locaux de détention "répondent aux exigences de l'hygiène, s'agissant notamment du cubage d'air, de l'éclairage, du chauffage et de l'aération" .

Le D.351, enfin, qui prévoit que "dans tout local où les détenus séjournent les fenêtres des cellules doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle (...) et permettre l'entrée d'air frais". Sont aussi évoquées les règles du code de la construction et de l'habitation, applicables depuis 2002 aux locaux de détention.

 

"LES NORMES SONT VIOLÉES"

"Toutes les obligations et normes en vigueur sont violées de manière flagrante par l'administration" , considèrent Mes Glock et Boh-Petit, qui ne cachent pas leur intention, si l'expert devait confirmer leurs observations, d'engager une procédure en indemnisation pour "conditions de détention dégradantes" . "La saleté, la surpopulation et la misère s'ajoutent à l'option du tout-répressif , précise Me Liliane Glock. La prison est devenue la banlieue des banlieues avec une possibilité que les mêmes causes produisent les mêmes effets."

Plusieurs procédures de ce type ont déjà été lancées dans d'autres régions. La dernière en date à la prison Saint-Paul de Lyon ­ l'une des plus vétustes et des plus surpeuplées du pays ­ où Eric Waltz, géomètre-expert DPLG, s'est présenté, jeudi 3 novembre, muni d'une ordonnance du juge des référés administratifs pour visiter la cellule de trois détenus, clients de Me Sylvain Cormier.

    A Nancy, un détenu obtient qu'un expert examine ses conditions de vie en prison, Nicolas Bastuck, Le Monde, 10.11.2005 | 15h45 • Mis à jour le 10.11.2005 | 15h45, Article paru dans l'édition du 11.11.2005, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-708819@51-681037,0.html

 

 

 

 

 

Tableau plus noir derrière les barreaux

 

En deux ans, la situation carcérale a empiré, selon l'Observatoire international des prisons.

 

Vendredi 21 octobre 2005
Libération
Jacqueline COIGNARD

 

«Les raisons de se laisser gagner par le découragement sont innombrables mais il y en a une assez forte pour les combattre toutes : les responsables de cette détestable politique pénitentiaire, eux, ne sont pas découragés. Ils persistent.» Ces mots commencent le deuxième rapport de l'Observatoire international des prisons (OIP), publié hier (1). Le précédent, en 2003, dressait un état des lieux très sombre d'une institution minée par la surpopulation. En deux ans, la situation n'a fait qu'empirer, constate l'OIP, qui passe en revue tous les aspects de la vie carcérale.

«Cette dégradation résulte de choix politiques», accuse Patrick Marest, délégué national de l'observatoire. Comme les représentants de divers syndicats et associations appelés à commenter ce rapport, il désigne une délirante inflation législative qui pousse à l'incarcération et à un allongement démesuré des peines. Quant à la politique pénitentiaire, elle est uniquement axée sur la construction de prisons neuves et sur le durcissement des conditions de détention, dénonce-t-il. D'où une ambiance de plus en plus délétère, des violences entre détenus, envers le personnel ou envers soi-même (automutilations, suicides). Une tension qui se traduit dans la croissance exponentielle des incidents et procédures disciplinaires : hausse de 155 % en cinq ans du nombre d'incidents collectifs. Tous les intervenants soulignent le décalage entre les discours des parlementaires lors du vote d'incessantes réformes et la situation sur le terrain. Ainsi, lors de l'examen du texte sur la récidive qui termine son parcours au Sénat la semaine prochaine, il a été adopté un amendement qui demande aux chefs d'établissement de favoriser le travail et la formation des détenus. Dans les faits, l'offre de travail s'est réduite de 30 % ces cinq dernières années, et le taux de formation n'a jamais été aussi faible depuis dix ans.

Dans l'hémicycle, on se vante de vouloir empêcher les sorties sèches, sans préparation et accompagnement, et on ne parle plus que de «suivi socio-judiciaire» et «d'obligation de soins». Cédric Fourcade (CGT-Pénitentiaire) raconte : «Cet été, le service médical psychiatrique régional de Caen a fermé. C'est l'endroit où était initié le suivi des délinquants sexuels, très nombreux au centre de détention de la ville.» Il faut parfois 18 mois pour réussir à établir une carte d'identité pour un détenu, et les subventions de la Farapej, une fédération d'associations qui s'occupe des sortants de prison, ont été diminuées. Tout le monde s'accorde à reconnaître que les travailleurs sociaux sont débordés (120 dossiers en moyenne par personne).

Le rapport décrit la mort en prison pour des détenus malades qui ont attendu, en vain, une suspension de peine. Faute d'experts pour les examiner, d'endroit pour les accueillir à l'extérieur, etc. «L'administration fait le compte de tous les incidents, mais ignore combien de grabataires sont susceptibles de faire l'objet d'une suspension de peine», relève Gabriel Mouesca, président de l'OIP. Les députés, eux, ont prévu de corser un peu le recours à ce dispositif sous-utilisé des suspensions de peine pour raisons médicales.

(1) Editions La Découverte. 20 €.

    Tableau plus noir derrière les barreaux, Libération, 22.10.2005, http://www.liberation.fr/page.php?Article=332686

 

 

 

 

 

Les signalements de dérapages policiers en forte augmentation

 

Lundi 18 mars 2005
Le Monde

 

Les incidents signalés à la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), notamment ceux mettant en cause des policiers, ont augmenté de 38 % en 2004, selon le rapport annuel de cet organisme indépendant publié lundi 18 avril.

La commission chargée de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité (police, gendarmerie, gardiens de prison...) a ainsi été saisie de 97 affaires (contre 70 en 2003), dont plus de la moitié concerne la police nationale (59 contre 43). Elle est essentiellement saisie par des parlementaires.

La plupart des plaintes contre les policiers ont pour origine les conditions d'interpellation, de contrôle d'identité, de garde à vue, qui donnent lieu dans certains cas à des "mesures de contrainte" disproportionnées ou à des violences.

 

"ESCALADE DE LA RÉPRESSION"

La commission a noté en 2004 une augmentation des affaires ayant pour origine une infraction contestée au code de la route qui ont dégénéré et donné lieu à une "escalade de la répression" (procédure d'outrage, conduite au commissariat).

Parmi les "violences inadmissibles" examinées en 2004, la commission rapporte le cas de policiers en état d'ivresse qui ont frappé un Turc "à coups de matraques, de poing, de pieds, en tenant des propos racistes". Le rapport cite aussi le cas d'un homme atteint d'un cancer frappé d'un coup de tête alors qu'il tentait d'intervenir en faveur de son fils.

La commission a, par ailleurs, effectué une première étude sur la part des discriminations raciales dans les manquements à la déontologie de la part des policiers, portant sur les années 2001-2004, qui montre une augmentation : 15 cas en 2004 contre 1 en 2001 pour un total de 36 affaires où une discrimination a été mise en évidence sur les 4 ans.

Les plaignants sont avant tout "des jeunes issus de l'immigration maghrébine, interpellés dans les banlieues défavorisées de la région parisienne", indique la commission.

En 2004, elle avait déjà demandé "des réformes de structure importantes", notamment un meilleur encadrement des jeunes policiers inexpérimentés appelés à intervenir dans les quartiers "sensibles". Deux syndicats de police, Alliance et Synergie officiers, avaient alors rejeté ces conclusions et estimé que la plupart des plaintes provenaient de "délinquants tentant de minimiser leur responsabilité pénale".

    Le Monde, avec AFP et Reuters, 18.4.2005, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-640055,0.html

 

 

 

 

 

A l'innocent les mains vides

Accusé de viol, Kamel Oueslati est blanchi en 2004 après 5 ans de prison; une erreur judiciaire estimée à... 65 000 euros. Oubliée, la compassion de Perben après l'affaire des acquittés d'Outreau.

 

Lundi 7 mars 2005
Libération
Dominique Simonnot

 

Souvenez-vous, c'était le 2 juillet. Solennel, Dominique Perben déclarait face à une nuée de caméras : «J'ai été bouleversé, comme beaucoup de Français, par cette accumulation de souffrances qu'a révélée le procès d'Outreau.» Le 27 septembre, il tombe dans les bras des innocentés de cette catastrophe judiciaire ­ reçus avec tous les honneurs ­ et leur promet 100 000 euros chacun. Un simple acompte en réparation de leurs «souffrances», en attendant les transactions sur le million qu'ils réclament. Des gestes symboliques censés mettre du baume au coeur de toutes les victimes d'erreurs judiciaires.

Il est pourtant d'autres acquittés, eux aussi victimes de grossières bévues, qui n'ont droit ni au tapis rouge de la chancellerie, ni à d'ostentatoires réparations financières. Rien, sauf un simple courrier administratif envoyé avec des mois de retard en réponse à un appel au secours : «Affaire en cours, nous ne pouvons rien...», a, en substance, répondu, le 31 janvier, un obscur chef de bureau du ministère de la Justice à la lettre de Me Xavier Allard envoyée à Dominique Perben le 16 novembre. L'avocat écrivait au nom de son client Kamel Oueslati, acquitté le 11 mars 2004 après presque six ans de prison : «Au sortir du drame d'Outreau, vous avez invité la Justice à faire preuve d'humilité devant sept innocents injustement accusés. Il y a quelques mois, j'ai fait acquitter un innocent après cinq ans et cinq mois de détention provisoire, mais ce jeune Tunisien attend toujours d'être indemnisé...»

Enquête bâclée. Début février 1998, le parquet de Grasse reçoit la plainte d'une très jeune fille. Elle raconte qu'un de ses vagues cousins, Kamel Oueslati, l'a violée à plusieurs reprises : en 1991, lorsqu'elle avait 9 ans, puis le 1er décembre1997 et enfin le 31 janvier 1998. L'enquête commence, en l'absence de Kamel, rentré en Tunisie voir sa mère malade. Il en revient le 2 mai, est arrêté le 9 juin. «Ça fait longtemps qu'on te cherche», lui disent les policiers. «C'est pas moi, j'ai rien fait de mal, sinon je reviens pas», nie Kamel.

Entretemps, l'enquête a avancé. Sans la défense. «Les policiers ont oublié les actes de base, relève Me Xavier Allard, personne ne leur apportait la contradiction.» Entre autres, ils ne saisissent, chez la jeune fille, ni les draps ni le couvre-lit du matelas où se serait déroulée la dernière agression, cinq jours avant sa plainte. Pas plus que ses vêtements, ni ceux de Kamel. Ils ne relèvent ni les empreintes digitales, ni les traces d'ADN. Et après, c'était trop tard. Ne reste plus que la parole de la plaignante, jugée crédible par les experts, face aux dénégations de l'accusé. Et un examen médical qui permet toutes les interprétations. L'expert note en effet que la jeune fille n'a pas été déflorée mais que son hymen est «particulièrement tolérant». Pour l'accusation, le viol est donc «possible». Et «impossible» pour la défense, puisque, malgré la grande brutalité des scènes décrites, aucune trace de violence n'est relevée lors de l'examen médical.

Ce n'est pas tout. Kamel est un homme simple, les experts évaluent son QI à 48 et son âge mental à 7 ans. Il se défend mal. «Cela a posé beaucoup de problèmes pendant l'instruction, explique Me Xavier Allard. D'abord parce que, interrogé sur son séjour en France, il a cru malin d'en minorer la longueur. Les enquêteurs se sont rendu compte qu'il était là depuis mars 1989 en travaillant au noir chez des pépiniéristes, ils ont pensé que s'il mentait sur ce point, il mentait sur tout!» Ainsi de ce voyage en Tunisie, interprété comme une fuite. «Le juge d'instruction, Thierry Laurent, a refusé de vérifier si la mère de Kamel avait réellement été hospitalisée en Tunisie, regrette encore l'avocat. Finalement, sa famille s'est procuré les certificats dès 1999, mais le juge n'en a pas tenu compte. De toute façon, il a systématiquement rejeté toutes mes demandes d'actes. Comme il a balayé les contradictions multiples dans les déclarations de la jeune fille.»

Détention record. Après 25 demandes de mise en liberté et des grèves de la faim, Kamel comparaît, en 2002, devant la cour d'assises de Nice. Ça se passe mal. Quinze ans de prison. «L'avocat me donnait confiance, il me calmait, il me disait "on va gagner", dit Kamel, c'était trop dur en prison, ils croyaient pas que j'étais innocent.» Devant la cour d'assises d'Aix-en-Provence, il répète : «La justice va trouver la vérité. Depuis presque six ans en prison, j'ai mal, j'ai mal partout!» Présidée par Bernard Fayolle, la cour d'Aix l'acquitte enfin. «Je suis sorti, j'ai respiré l'air de dehors, j'ai senti l'odeur de la campagne, j'ai dit : "Putain, je suis dehors !"»

Vient le temps de l'indemnisation. En juillet, sa requête parvient à la juridiction spécialisée, il demande 1 986 375 euros et un acompte de 200 000 euros. Tant pour les erreurs de l'instruction que pour 2 025 jours de prison injustifiés ­ un record. Mais aussi parce qu'une accusation de viol rend encore plus difficile le séjour en prison. S'y ajoutent la perte de salaire, même au noir, la «souillure» d'une telle accusation et enfin les honoraires de l'avocat d'abord commis d'office, puis choisi par la famille : «Devant l'Himalaya de la tâche, 238 heures de labeur pour parvenir à la vérité», soit 44 483 euros, 7 413 euros par an.

Négligence ou indifférence ? Ça traîne. Finalement, l'audience a eu lieu le 1er février. Malgré «les souffrances reconnues et réelles», la somme proposée par le Trésor est de 65 000 euros et l'avocat général renchérit : «Le montant réclamé apparaît disproportionné et non justifié.» L'avocat en sort furieux : «On nous a tout contesté, la présidente ne voulait pas que je lui parle d'Outreau, ni de la condition carcérale, on nous a dit que Kamel ne travaillait pas vraiment et on a passé l'audience à remettre en cause mes honoraires. Au final, on nous propose un montant ridicule, 1 000 euros par mois de détention, infiniment moins que le seul acompte versé aux innocents d'Outreau, pour trois fois plus de jours de prison!» «Quand même, c'est pas normal, ajoute Kamel, eux les juges sont tranquilles chez eux, devant la télé, et moi j'étais là, en prison...»

Demain, les juges rendront leur décision. On saura alors si, comme l'avait déclaré le ministre de la Justice à propos d'Outreau : «Il n'y a pas de prix à l'humiliation.» Ou si c'est la seule médiatisation d'une affaire qui rend ce prix vraiment précieux.

    Source : 7.3.2005, Dominique Simonnot, Libération, http://www.liberation.com/page.php?Article=280463

 

 

 

 

 

Portrait

Un juge s'en va

Jusqu'au 17 janvier, Laurent Lèguevaque était juge d'instruction à Tours. En démissionnant, fait très rare dans la magistrature, ce franc-tireur de 38 ans entend dénoncer les raideurs du monde judiciaire.

 

Au bas de sa lettre de démission, adressée au garde des sceaux, il a écrit : "En vous priant de croire, Monsieur le Ministre, à ma considération républicaine et distinguée", sans doute pour ajouter à son acte une pincée de solennité. Au président du tribunal de grande instance de Tours, dont il était jusqu'alors l'un des trois juges d'instruction, il a simplement dit : "Je m'en vais." C'était le lundi 17 janvier au matin. Il a rendu son téléphone portable, son trousseau de clés et sa carte professionnelle, puis il est rentré chez lui et s'est préparé un café. Laurent Lèguevaque a cessé d'être magistrat comme on passe une porte : en quelques pas ordinaires, sans avoir l'impression d'accomplir un acte héroïque ni de devenir différent. "Je me sens seulement plus libre, confie-t-il à présent. Incroyablement libre."

Il a 38 ans, une femme et deux enfants, pas encore de vrai projet qui rassurerait ses amis. Depuis qu'ils savent, beaucoup lui disent : "Tu as bien réfléchi ? Tu aurais mieux fait de te mettre en disponibilité. Tu pouvais toujours revenir..." Il les remercie avec douceur, répond qu'il sait ce qu'il fait et abrège la conversation. Treize années passées à l'instruction ne forment pas à la collégialité des prises de décision. Et tant pis pour les "ça ne se fait pas", même si les statistiques de la chancellerie leur donnent raison : au cours des dix dernières années, seules douze démissions de la magistrature ont été enregistrées - dont six en 1998, allez savoir pourquoi ; une seule en 2004, aucune durant les quatre années précédentes. C'est dire si Laurent Lèguevaque est un cas.

Derrière lui, il laisse pourtant un cabinet comme les autres : 134 dossiers en cours, 30 détenus à la maison d'arrêt locale ; des affaires de banditisme, de drogue, de malversations et de violences diverses, l'ordinaire du métier pour l'un des 611 juges d'instruction de France. "Nous sommes moins nombreux que les bouilleurs de crus, signale-t-il, mais, comme eux, appelés à disparaître."

De son expérience - à Thonon-les-Bains, Mâcon et Tours, où il est arrivé en 1997 -, il tire un bilan sombre jusqu'au défaitisme : "Ce métier est devenu nul. Ce n'est d'ailleurs plus un métier, juste une carrière." Ses collègues ne lui semblent préoccupés que d'avancement, de postes à pourvoir et d'appuis à solliciter, si bien que la magistrature n'est plus, à ses yeux, qu'"un corps de fonctionnaires voué au conformisme et à la soumission". Presque penaud, il admet avoir cru que les juges d'instruction étaient différents, que leur fonction d'enquêteur leur donnait une latitude plus grande, une indépendance plus authentique. "Cela a peut-être été vrai, mais cela ne l'est plus", estime-t-il, avant de résumer le tout en une formule : "On nous prend toujours pour des chevaliers blancs ; on n'est plus que des goélands mazoutés."

A l'écouter, l'ordinaire de ces magistrats qui font trembler les puissants est dénué de passion : on n'attend plus d'eux que la tenue de dossiers alimentés par d'autres - policiers, gendarmes, experts, procureurs, avocats. "La machine fait de nous des paperassiers, des petits hommes gris qu'on dissuade de mettre beaucoup d'eux-mêmes dans leur travail. A force de vouloir nous contrôler, elle nous uniformise, elle nous étouffe."

Il ne se montre ni amer ni déprimé, parsème son récit d'épisodes drolatiques qu'il relate avec moins de douleur que de dérision. "J'ai l'impression de revenir d'un long voyage dans une peuplade avec laquelle je n'aurais pas su communiquer."

Après leur entrevue, le président du tribunal lui a téléphoné pour l'avertir qu'il n'avait pas le droit d'abandonner son poste sans attendre l'arrêté du ministre, qui entérine sa démission. Lui y a vu un excès de formalisme, une manifestation de plus de cette "passion du normatif" qui noie les juges dans le détail et leur fait perdre de vue l'essentiel. Quand son supérieur a brandi la menace d'un "mandat d'arrêt", il assure avoir eu envie de lui répondre : "Chiche !"

Bien sûr, l'ex-juge Lèguevaque n'ignore pas que sa hiérarchie et ses collègues le tiennent pour un "atypique", même s'ils ne sont pas mal disposés à son égard et n'ont été victimes d'aucun de ses bons mots. Son dossier administratif en témoigne, qui comporte une jolie série de blâmes, le plus souvent dus à l'insolence, jamais à la qualité du travail. Ses procédures ne traînent pas plus en longueur que celles des cabinets voisins -"Mon dossier le plus ancien est ouvert depuis 2000" -, ses décisions ne sont pas plus souvent infirmées en appel que celles de ses collègues. En 2003, il a été l'objet d'une enquête de l'inspection des services judiciaires, après avoir publié un roman dans la "Série noire", coécrit avec un journaliste local, qui est aussi son ami. Aucune critique n'en est sortie.

Les avocats louent son ouverture d'esprit et sa finesse. Les policiers, sa connaissance des truands du cru. "Quand on a passé sept ans dans une ville, plaide-t-il modestement, on a l'expérience de son terrain. Mais dans la magistrature, une bonne implantation locale est considérée comme une faiblesse. On recommande la mobilité..."

Il n'y avait pas, pour lui, d'urgence particulière. Quand il ne brigue pas de promotion et n'encourt aucune sanction, le juge peut faire du surplace sans déranger. Rien que le ras-le-bol d'une activité routinière qui perd de sa saveur à mesure que défilent les désillusions sur la justice, la façon dont elle s'exerce et la part qu'un juge peut y prendre. L'histoire d'une vocation déçue. Ou d'un rejet de greffe - il appréciera le calembour.

"C'est vrai, j'étais un "vocationnel", explique-t-il. Quand j'ai présenté le concours d'entrée à l'ENM -l'Ecole nationale de la magistrature-, j'avais en tête le mythe de l'indépendance. Il y avait eu les juges rouges, ceux qui mettaient des patrons en prison ; puis les martyrs, Renaud, Michel, assassinés par le milieu. Dans ma génération, on pouvait y croire." S'y ajoutait, chez lui, une attirance pour la criminologie, l'envie de percer les secrets. Fils d'un chirurgien et d'une psychiatre, il mène de front, à Toulouse, des études de droit et de psychologie, tout en écrivant pour La Dépêche du Midi, dont il tiendra, un temps, la chronique judiciaire. Inscrit aux concours de commissaire de police, de la magistrature et de l'administration pénitentiaire, il réussit les trois et choisit la justice - "promotion 1989, celle du bicentenaire de la Révolution", précise-t-il -, persuadé d'avoir trouvé sa voie.

"Au grand oral de l'ENM,se souvient-il, huit érudits vous bombardent de questions perverses pour tester la richesse de votre personnalité. A l'école, vous fréquentez des gens comme vous, enthousiastes et motivés. Ce n'est qu'une fois arrivé en juridiction que vous découvrez les pesanteurs. Mais vous croyez encore en la souplesse du corps, à sa capacité à se transformer de l'intérieur. C'est le contraire qui se produit. L'indépendance, ce n'est pas qu'une question de statut ; il faut avoir la stature."

Le conformisme vestimentaire de ses collègues l'agace. La déférence recommandée pour s'adresser à la hiérarchie l'insupporte. "La courtoisie avec les mis en examen, elle, peut vous être reprochée, remarque-t-il. Un jour, un collègue m'a dit avec horreur : "Comment fais-tu pour serrer la main d'un violeur d'enfant ?" Je lui ai répondu : "Je demande qu'on lui enlève ses menottes."" Ça ne l'a pas fait rire du tout."

Vient ensuite le plus douloureux : son dessaisissement, à l'hiver 2003, dans un dossier comme tant d'autres, sous l'accusation de "partialité". Il avait mis en examen un homme accusé d'attouchements par une fillette. Le suspect, atteint du sida, niait tout. L'enfant racontait qu'il lui avait montré des images pornographiques sur un ordinateur. Le temps de vérifier, le juge Lèguevaque avait saisi le juge des libertés et de la détention, seul habilité à ordonner l'incarcération. L'homme avait été écroué.

Deux jours plus tard, la fillette dit avoir tout inventé. Comment savoir si elle dit vrai ? Les gendarmes n'ont pas encore examiné l'ordinateur. Le magistrat est pris par le temps : il doit s'absenter pour deux jours. Inquiet de l'état psychologique du détenu, il lui adresse un fax à la maison d'arrêt pour l'informer du revirement de l'enfant et lui écrit : "Tenez bon !" Le lundi, il est dessaisi à la demande du procureur, qui qualifie son message de "manifeste de soutien au mis en examen".

L'écorchure n'a pas cicatrisé : "Déduire d'un acte de compassion que je ne pouvais plus être juste, ça pose un problème éthique, s'indigne-t-il. On peut trouver bizarre qu'un juge dise de tenir bon à un homme qu'il a contribué à faire emprisonner, mais je revendique cette marge d'appréciation que le système me refuse. Etre juge consiste à dire le droit sur des situations, d'accord ; mais à travers le prisme de ma personnalité, puisqu'on m'a recruté pour ça ! Si j'avais simplement faxé une ordonnance de mise en liberté, le parquet aurait fait appel mais on n'aurait pas contesté mon impartialité. J'ai préféré vérifier d'abord..."

C'est cela qu'il ne supportait plus : "L'impossibilité d'imprimer quoi que ce soit de personnel dans ce qu'on fait, d'être à l'écoute des autres." Les commentaires de ses collègues sur le procès d'Outreau ont conforté son amertume : il n'y a perçu que du corporatisme. "Ils n'avaient tous qu'une chose en tête : les décisions du juge avaient toutes été confirmées par la cour d'appel. Comme si c'était la question !" Lui voudrait encore croire à la force du dialogue, du face-à-face entre le juge et le suspect d'où sortira, peut-être, une vérité. "Un juge, c'est comme un psy, dit-il. On est payé pour écouter." Mais l'heure est à la preuve scientifique - désormais "déifiée" par l'institution, dit-il - et à l'informatique : quand il a appris que le ministère testait un logiciel d'aide à la décision destiné aux magistrats, le juge Lèguevaque s'est dit qu'on était passé "de Courteline à Orwell".

Jadis, il pouvait vérifier lui-même les déclarations d'un suspect en refaisant avec lui un trajet en moto muni d'un chronomètre acheté avec les frais de justice. "Aujourd'hui, dit-il, il faudrait adresser un soit-communiqué au parquet, demander l'autorisation au JLD -juge des libertés et de la détention- si c'est un détenu ; l'avocat m'enverrait des observations et on me suggérerait de solliciter un expert plus apte que moi à mesurer le temps..." Dans les faits, c'est son temps à lui qu'on a mesuré. Le premier président de la cour d'appel d'Orléans lui a contesté le droit de dispenser des cours dans une école de notariat et à l'école de police - "C'était juste avant qu'il parte chez Vivendi", glisse-t-il, acide. Il a bravé la consigne, mais le sentiment d'être sous surveillance est resté.

"Un juge d'instruction est plus fliqué qu'un substitut, explique-t-il. Il travaille sous le contrôle du parquet, qui peut ordonner des expertises ; du JLD, qui prolonge ou non la détention ; des avocats, qui l'ensevelissent de demandes impossibles à satisfaire. Sans oublier le contrôle statistique, qui nous oblige à faire du chiffre et nous met à la merci d'une remontrance ; un cabinet d'instruction, c'est comme une veille bagnole : le gendarme peut toujours trouver quelque chose qui cloche..." Et c'est ainsi, à l'en croire, qu'on entretient, chez les juges, "un sentiment de culpabilité qui favorise la soumission".

Laurent Lèguevaque ne se veut ni irréprochable ni exemplaire. Il reconnaît volontiers à ses collègues les plus prestigieux, Renaud Van Ruymbeke ou Philippe Courroye, des qualités qui lui manquent, comme l'aptitude à "une meilleure synthèse entre ce qu'ils sont et les obligations qui leur pèsent" pour réussir à "danser dans un cercueil de plomb". En treize ans, il a connu "beaucoup de moments forts, du cocasse au tragique", n'a pas détesté "ces habitudes de voyeur que crée l'intrusion légale dans la vie des gens" et s'est forgé une conviction propre à "dissuader les jeunes": "Si on croit que les idées du présent doivent s'imposer à celles du passé, on n'est pas fait pour être juge." Cette leçon, triste et dérangeante, il a choisi de se l'appliquer à lui-même. En prenant, pour une fois, ce qu'un magistrat n'a pas le droit de prendre : une décision sans appel.

    Hervé Gattegno, Le Monde, 30.1.2005, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3230,36-396132,0.html

 

 

 

 

 

Arnaud Montebourg, député PS, commente les nominations
de magistrats proches de la Chiraquie aux hauts postes de la justice : «Tout cela relève de moeurs bonapartistes»

 

Elles avaient beau être moquées et critiquées, le Conseil des ministres a entériné hier matin des nominations très politiques aux plus hauts postes de la justice. Jean-Louis Nadal, le procureur général de Paris, remplace Jean-François Burgelin ­ qui part à la retraite ­ comme procureur général près la Cour de cassation. Yves Bot, après à peine deux ans au parquet de Paris, est propulsé procureur général de Paris. Deux magistrats dont les compétences sont certes reconnues par tous. Mais cette valse de hauts procureurs est sujette à d'innombrables soupçons de mainmise du pouvoir politique sur le judiciaire en général, et sur la justice parisienne en particulier.

Arnaud Montebourg, député PS de Saône-et-Loire, qui milite depuis longtemps pour l'indépendance de la justice, explique à Libération pourquoi il trouve que l'Etat chiraquien fait de la «provocation».

 

Avec les nominations annoncées aujourd'hui aux plus hauts postes de la justice, a-t-on fait un pas de plus vers l'«Etat-UMP» ?

La justice ne fait pas exception. Tout ce qui est indépendant et qui résiste au pouvoir est placé sous dépendance. Le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) est sous contrôle depuis bien longtemps, avec la nomination à sa tête de Dominique Baudis (ex-maire UDF de Toulouse, ndlr). La Cour des comptes est désormais contrôlée avec l'arrivée de Philippe Seguin, ce qui n'était pas le cas à l'époque du précédent président Logerot. La Cnil (Commission nationale informatique et libertés) a rendu de très bons services depuis l'arrivée d'Alex Turk (ex-sénateur RPR), avec l'assouplissement de constitutions de fichiers entre les mains des autorités policières. Quant au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), autorité chargée de garantir l'indépendance des magistrats, voilà que le garde des Sceaux y nomme son propre collaborateur, Francis Brun-Buisson. Et, là, on est dans la provocation. Il ne reste plus qu'à supprimer le CSM en remplaçant ses membres par les amis du ministre de la Justice.

 

Pourquoi cette «attention» portée au CSM ?

C'était encore une des rares autorités à résister aux objectifs du ministre de la Justice, qui tend à placer ses hommes liges dans la plupart des grandes juridictions stratégiques. Depuis deux ans, Dominique Perben s'est fait une habitude de violer les avis défavorables du CSM dans les nominations des procureurs. Ce sont là des moeurs bonapartistes. Rappelons qu'une des orientations politiques du gouvernement Jospin fut de suivre ces avis et de reconnaître au Conseil supérieur de la magistrature son rôle de contre-pouvoir.

 

Comment analysez-vous les nominations d'aujourd'hui ?

Elles reflètent les objectifs de contrôle politique des parquets et sont à mettre en regard du destin judiciaire du président de la République et de ses hommes. Jean-Louis Nadal, désormais procureur général près la Cour de cassation, aura à gérer les poursuites judiciaires contre Jacques Chirac dans trois ans, après l'expiration de son mandat de chef de l'Etat. C'est un dossier dans lequel il a déjà rendu quelques services remarqués, en empêchant que les juges entendent le même Jacques Chirac en tant que témoin assisté (en 2001, dans l'affaire des marchés truqués des lycées d'Ile-de-France, ndlr). Yves Bot, qui devient procureur général à Paris, a déjà entravé, lorsqu'il était procureur à Nanterre, l'action engagée par des parlementaires visant à faire juger le président de la République en Haute Cour. De surcroît, ces deux hauts magistrats auront à gérer des affaires stratégiques pour un certain nombre de dignitaires chiraquiens, notamment l'affaire des frais de bouche et celle des faux électeurs de la mairie du Ve arrondissement de Paris. Et on sait qu'ils ont déjà travaillé à l'enterrement de la première... Affaire sur laquelle Bertrand Delanoë a, néanmoins, décidé de ne pas abandonner la constitution de partie civile de la Ville de Paris.
 

 

Marc Moinard, ancien directeur des affaires criminelles et des grâces et actuel procureur général de Bordeaux, serait aussi pressenti pour être secrétaire général du ministère de la Justice...

Marc Moinard est le type même du magistrat aux ordres du pouvoir. C'est lui qui, lorsque Toubon était garde des Sceaux, fit affréter un hélicoptère afin de rechercher, dans l'Himalaya, le procureur d'Evry et de tenter de sauver Xavière Tiberi. Il incarne la servilité récompensée par un poste taillé sur mesure et dont, de surcroît, il est lui-même chargé d'établir le champ des compétences. Le retour du secrétaire général de la chancellerie est une première depuis Vichy... D'une manière générale, tout ceci illustre des pratiques de pressions sur les parquets et les juges. Pour preuve, menaces et récompenses sur les carrières redeviennent d'actualité.

    Dominique Simonnot, Libération, 21.10.2004, http://www.liberation.com/page.php?Article=247763

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pancho        Le Monde        28.9.2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Reçus par M. Perben,
les acquittés d'Outreau veulent des "excuses"

 

Ces sept hommes et femmes, dont six ont effectué de longues détentions avant d'être innocentés, réclament une indemnisation par l'Etat pour le préjudice subi. Plutôt qu'une procédure pour faute lourde, hasardeuse, ils souhaitent obtenir un accord direct avec le ministère de la justice.

D'abord , la symbolique. Les sept acquittés du procès pour pédophilie d'Outreau doivent être solennellement reçus lundi 27 septembre à la chancellerie, par le garde des sceaux, Dominique Perben. Leurs avocats, qui ont réclamé des "excuses" de l'Etat, les avaient précédés Place Vendôme, le 2 septembre.

La question de la faute de l'Etat.

Nous venons d'abord pour obtenir la reconnaissance officielle, par la nation, d'une injustice", expliquent les défenseurs des acquittés. Dès le verdict de la cour d'assises de Saint-Omer tombé, le 2 juillet, l'Etat avait adressé un geste à cette modeste troupe de vies brisées. M. Perben leur a fait part de sa "compassion" et de ses "regrets". Puis, le 6 juillet, le ministre de la justice a promis qu'il y aurait des sanctions "si des fautes lourdes" étaient établies dans l'étude du dossier.

Le 14 juillet, le chef de l'Etat déclarait à son tour lors de son intervention télévisée : "Que des gens aient été incarcérés pendant un grand nombre de mois pour être finalement reconnus non coupables, c'est inadmissible et (...) profondément choquant." Pour justifier leur demande de réparation, les avocats des acquittés s'appuient sur ces déclarations de Jacques Chirac : "La justice, si elle a fait des erreurs, doit payer elle-même, et cher", avait soutenu le président de la République, douze jours seulement après le verdict.

L'heure, cependant, n'est pas à la reconnaissance d'une faute. Le garde des sceaux a indiqué vouloir, lundi, "écouter" ces sept personnes accusées à tort et témoigner de l'attention portée par la chancellerie à leur souffrance. Mais M. Perben souhaite aussi prendre le temps nécessaire pour tirer les leçons d'une affaire complexe, sur laquelle ont travaillé 200 acteurs de l'appareil judiciaire dont plus de 50 magistrats.

En optant pour la prudence, M. Perben se démarque de la stratégie qu'avait adoptée en mars 2001 la ministre de la justice d'alors, Marylise Lebranchu, dans l'affaire des disparues de l'Yonne. Tout en choisissant, exceptionnellement, de rendre public un rapport de l'inspection générale des services judiciaires, l'ancienne ministre de la justice avait d'emblée reconnu "un fonctionnement défectueux de l'institution" et engagé plusieurs poursuites disciplinaires contre des magistrats devant le Conseil supérieur de la magistrature. Cependant, l'affaire n'est pas close et les parties civiles n'ont pas encore assigné l'Etat pour dysfonctionnement de la justice.

(...)

    Nathalie Guibert et Acacio Pereira, Le Monde, 28.9.2004,
    http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-380766,0.html

 

 

 

 

Philippe Valent,
avocat de Marc, à l'isolement depuis six ans
«Au cachot, comme au Moyen Age»

 

«Depuis 1998, mon client vit isolé. D'abord à Angoulême, où il pouvait voir sa femme, incarcérée dans la même ville. C'est son seul lien affectif, vite rompu. Il a été transféré à la Santé puis à Fresnes, où il est aujourd'hui. Je le vois régulièrement. Il vit au cachot, comme au Moyen Age, selon des règles hors normes dont nul ne se préoccupe. Je passe sur l'hygiène. Si ce n'est l'obligation de dormir la tête à 30 cm de WC à la turque. Il est malade, mais n'a jamais pu aller à l'infirmerie puisqu'il faudrait au moins deux surveillants pour l'y accompagner. Il doit se contenter de la visite médicale hebdomadaire. Pas un membre de la pénitentiaire ne traiterait plus mal son chien. Et les soins dentaires ! L'autre jour, je lui propose un chewing-gum, il refuse, sort de sa bouche des sortes de dents. En fait, des boules de cire qu'il a façonnées pour faire comme s'il avait des dents. Un autre exemple ? A la Santé, lors d'un hiver très froid il n'avait pas de veste et l'aumônier lui a offert un blouson bleu marine. Refusé, car il était de la même couleur que l'uniforme des surveillants. Il a continué de grelotter. Pour l'administration, céder à une demande d'un isolé, c'est se laisser marcher sur les pieds. Ces brimades, ces humiliations, brisent le moral. C'est pathétique, scandaleux. Comme le renouvellement tous les trois mois, depuis six ans, de cet isolement. Sans aucun élément et pour les mêmes motifs depuis six ans, «dangereux, risque d'évasion». Sans que jamais celui qui signe ce renouvellement ait rencontré mon client. Sans qu'aucune règle soit respectée. Il en est venu à refuser d'entamer une procédure contre cet isolement. Pour lui, réclamer ce serait s'humilier. On fait de lui quelqu'un qui refusera la main tendue, si un jour elle se tend.»

    Dominique Simonnot, Libération, 6.9.2004, http://www.liberation.com/page.php?Article=236517

    Articles corollaires : http://www.liberation.com/page.php?Article=236517

    http://www.liberation.com/page.php?Article=236518

 

 

 

 

La prison de Nancy "sourde  et aveugle"
face au meurtre d'un détenu

 

En détention provisoire, Johnny Agasucci a été battu à mort par deux codétenus, dont l'un devait être jugé en septembre pour des faits de barbarie commis au sein de la même maison d'arrêt. C'est le neuvième homicide commis en cinq ans dans des prisons françaises surpeuplées.

Johnny Agasucci, 26 ans, en détention provisoire à la maison d'arrêt Charles-III de Nancy, a été battu à mort par ses deux codétenus, dans la nuit du mardi  24 au mercredi 25  août. Le principal suspect de ces violences devait être jugé en septembre pour une précédente affaire d'actes de barbarie commis contre un détenu de la même prison. La mère de la victime avait constaté, le 18  août, que son fils semblait déjà très marqué par des violences. "Que chacun prenne ses responsabilités, déclare un avocat  : ceux qui les ont mis ensemble, ceux qui ne les ont pas surveillés, ceux qui ne les ont pas vus, ceux qui ne les ont pas entendus." Ce meurtre est le 9e commis entre détenus en cinq ans. L'insécurité qui règne dans les prisons, dénoncée par plusieurs rapports, est aggravée par la surpopulation carcérale.

Le drame est survenu dans la nuit du mardi 24 au mercredi 25 août, au premier étage de la maison d'arrêt Charles-III de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Une prison ancienne du centre-ville où les murs sont si épais qu'on n'y a pas entendu les cris de Johnny Agasucci, 26 ans, battu à mort par ses deux codétenus.

Selon le médecin légiste, le décès serait survenu entre 22 heures et 23 heures. Mais ce n'est qu'à 2 heures du matin que Sébastien Schwartz, 18 ans, et Sébastien Simonnet, 28 ans, ont donné l'alerte. Ce dernier, condamné à plusieurs reprises pour des actes de violences, devait comparaître en septembre devant la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle pour des faits de "torture et actes de barbarie en réunion" dénoncés par un ancien codétenu, en 1999, dans la même prison.

Quand les surveillants ont fait irruption dans la cellule, ils ont été épouvantés devant ce corps ensanglanté, rendu méconnaissable à force de coups. "Un policier m'a dit que mon fils avait été massacré", rapportait, vendredi 27 août, Liliane Meyer, la mère de la victime, femme de ménage à Sarrebourg (Moselle). "Ils l'ont frappé jusqu'à ce qu'il meure, et personne n'a rien entendu : ni le surveillant de l'étage, ni les occupants des cellules voisines. Il est mort d'une accumulation de coups. Les responsabilités réciproques ne sont pas encore établies", a déclaré, vendredi, M. Michel Senthille, procureur de Nancy, qui a qualifié cette affaire de "gravissime". Les codétenus ont été mis en examen pour "homicide volontaire précédé d'actes de torture et de barbarie"et transférés dans d'autres établissements.

 

"DES BLEUS AVEC UNE ANGINE"

Dès le lendemain du drame, deux inspecteurs de l'administration centrale pénitentiaire se sont rendus à la prison pour ouvrir une enquête administrative tandis que la police judiciaire de Nancy entendait les détenus, les surveillants et même le juge d'instruction messin qui avait demandé le placement en détention provisoire de Johnny Agasucci, il y a trois mois, dans le cadre d'une affaire de trafic de stupéfiants impliquant également son frère aîné.

Sa dernière audition devant ce juge avait eu lieu le 18 août. "Il était pâle, amaigri, avec des bleus au visage et plusieurs dents cassées. Il pouvait à peine parler, marchait comme un vieillard et avait le cou tout gonflé", relate la mère de la victime, présente lors de cette confrontation. "Je lui ai dit : 'Johnny, ça va ?' Il m'a répondu : 'Oui, oui, c'est juste une angine.' Mais moi, je sais bien qu'on attrape pas des bleus avec une angine. Le juge lui a demandé ce qui était arrivé. Johnny a répondu qu'il avait été pris dans une bagarre pour une histoire de cigarettes. Il lui a proposé de changer de prison, mais mon fils a dit : 'Non, non, ça ira...' Johnny, il garde tout à l'intérieur."

Johnny Agasucci partageait avec deux autres détenus une cellule prévue pour six. En mai, le dossier sur les violences commises en prison par Sébastien Simonnet avait été appelé devant la cour d'assises puis finalement renvoyé en raison d'un nombre trop important de témoins.

Selon Me Hélène Strohmann, son avocate, Sébastien Simonnet supportait mal le report de ce procès et la lenteur de la procédure, initialement classée par le parquet. S'agissant du meurtre de Johnny Agasucci, Me Strohmann indique qu'il existait entre son client et la victime une "incompatibilité de personnalités". "Cela a débouché sur cette rixe et le drame que l'on sait", a-t-elle déploré. Sébastien Simonnet aurait demandé à être séparé de Johnny Agasucci, peu après son arrivée. "Manifestement, celui-ci avait déjà été battu. Vu ce qu'on lui reproche, mon client craignait qu'on lui mette ça sur le dos", rapporte Me Strohmann. "Nous n'avons été saisis d'aucune demande - de changement de cellule -, écrite ou orale", s'est défendu le procureur.

Mais vendredi 27 août, les avocats de toutes les parties s'interrogeaient sur l'absence de précautions de l'administration pénitentiaire, compte tenu des antécédents de Sébastien Simonnet. Le parquet de Nancy a fait valoir que l'intéressé, qui avait été remis en liberté en cours d'instruction avant d'être réincarcéré en 2002 pour des vols, ne "s'était pas fait remarquer défavorablement", depuis son retour en prison.

 

"LA TAILLE DES SERVIETTES"

Me Gérard Michel, l'avocat du deuxième codétenu, Sébastien Schwartz, 18 ans, condamné pour des vols de voitures et théoriquement libérable en mai 2005, dénonce un "dysfonctionnement général du système pénitentiaire". "Comment peut-on mettre dans la même cellule un gosse condamné pour un petit délit avec un homme accusé d'actes de torture et de barbarie ? Mon client était détenu pour vol, le voici impliqué dans un meurtre ! Sans parler de la victime, qui ressort de prison dans un cercueil. A présent, que chacun prenne ses responsabilités : ceux qui les ont mis ensemble, ceux qui ne les ont pas surveillés, ceux qui ne les ont pas vus, ceux qui n'ont rien entendu."

Lucien Agasucci, le père de Johnny, actuellement au chômage, explose : "Cette histoire, c'est une bavure judiciaire et administrative ! On a mis un agneau avec des loups et voilà ! Mais ça ne se passera pas comme ça. On va porter plainte, on va se battre !" Il s'indigne : "Où étaient les gardiens ? Et les rondes de nuit, à quoi elles servent ? J'ai fait de la taule, j'ai pas honte de le dire, je connais les lois de la prison. Si tu l'ouvres, on te mate. Mon aîné, c'est un caïd, il sait se défendre, mais Johnny, c'était plutôt le genre souffre-douleur..."

Représentante locale de l'Observatoire international des prisons (OIP), Me Dominique Boh-Petit fustigeait vendredi une "administration sourde et aveugle". "A la prison de Metz, une note interne vient de sortir interdisant aux détenues de porter des claquettes et de détenir des serviettes en éponge de plus de 120 cm. Au lieu de mesurer la taille des serviettes, l'administration ferait mieux d'assurer la sécurité des personnes qui lui sont confiées."

Nicolas Bastuck et Monique Raux, Le Monde, 29.8.2004, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-377007,0.html

 

 

 

 

Huit homicides précédents en cinq ans

 

20 septembre 1999 : un détenu du centre de détention de Nantes est étranglé par un autre prisonnier, dans une aile de la prison réservée aux condamnés pour des affaires de mœurs, en difficultés psychiques ou qui font l'objet de menaces.

25 décembre 2000 : un Croate de 54 ans tue son codétenu, un Serbe de 50 ans, à coups de tabouret à la maison d'arrêt de Nice (Alpes-Maritimes). "Je ne le supportais plus", a expliqué le prisonnier aux gardiens.

8 février 2001 : Nicolas Eichacker, 23 ans, étrangle avec une cordelette son codétenu, Pascal Froidefond, 35 ans, à la maison d'arrêt de Fresnes (Val-de-Marne). Dans leur cellule de 9 m2, les codétenus avaient ingéré un mélange de médicaments et s'étaient disputés.

15 mars 2001 : Michel Lestage passait sa dernière nuit en prison lorsqu'il a été tué par son codétenu, Guislain Yakoro, à la maison d'arrêt de Gradignan (Gironde). Ce dernier, atteint de troubles psychiatriques avérés, sortait d'un séjour de trois semaines au quartier disciplinaire pour avoir sauvagement agressé son précédent codétenu.

4 décembre 2002 : condamné à deux mois de prison pour vol avec violence, Christian Abbest est retrouvé mort dans la cellule de la maison d'arrêt de Saint-Paul (Rhône) qu'il partageait depuis le début de l'après-midi avec Sergio Savorani, atteint de graves troubles mentaux, retrouvé pendu dans sa cellule quelques jours plus tard.

15 février 2003 : un détenu de 25 ans est égorgé dans un couloir du centre de détention de Salon-de-Provence, lors d'une rixe qui avait éclaté pour un motif futile.

15 septembre 2003 : un détenu de 19 ans de la maison d'arrêt de Metz-Queuleu (Moselle) tue son compagnon de cellule après une dispute concernant le choix du programme de télévision. La victime, condamnée pour des délits mineurs, était libérable au 1er octobre.

4 juillet 2004 : un détenu de 36 ans de la maison centrale de Saint-Maur (Indre) attire dans sa cellule un codétenu qui lui distribuait le dîner, lui fracasse le crâne à l'aide d'un cendrier, puis, dans un acte de cannibalisme, commence à lui manger la cervelle. Il avait été condamné, en mars 2000, pour des faits déjà accompagnés d'actes de barbarie et de cannibalisme.

Encadré de l'article de Nicolas Bastuck et Monique Raux, Le Monde, 29.8.2004, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-377007,0.html

 

 

 

 

Une prison sous le choc
après un acte de cannibalisme commis en cellule

 

Détenus et surveillants de la prison de Saint Maur (Indre) sont sous le choc, après l'agression d'une exceptionnelle gravité qui s'est produite dimanche 4 juillet dans l'établissement. L'un des prisonniers de la maison centrale a été mis en examen, mardi 6 juillet, à Chateauroux, pour "meurtre accompagné d'actes de barbarie", "violence ayant entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours avec armes" et "violence avec arme n'ayant pas entraîné d'incapacité sur fonctionnement pénitentiaire".

En début de soirée, dimanche, l'homme a attiré dans sa cellule située au deuxième étage un codétenu, lui a fracassé le crane à l'aide d'un cendrier, puis dans un acte de cannibalisme, a commencé à lui manger la cervelle. Le drame s'est produit alors que deux détenus, accompagnés de deux surveillants, se trouvent devant la porte ouverte de la cellule pour la distribution du diner. L'agresseur, âgé de 36 ans et de forte stature, a maîtrisé l'un des codétenus en le blessant grièvement, et a saisi le second avant de le frapper à mort. Les deux surveillants sont aussitôt partis chercher du renfort. A leur retour, la victime était morte.

Tandis qu'une enquête judiciaire était ouverte, l'administration pénitentiaire a dépêché une inspection, lundi et mardi. Les personnels ont été examinés par des psychologues. Le service medico-psychologique régional a également été proposé aux détenus, que plusieurs d'entre eux ont accepté. Au total, sept médecins ont été mis à la disposition des témoins directs ou indirects de la scène. Les syndicats de surveillants font état de personnels "traumatisés".

L'agresseur purge une peine de trente ans de réclusion criminel. il a été condamné pour meurtre par la cour d'assises de la Corrèze en mars 2000, pour des faits, commis en 1997, déjà accompagnés d'actes de barbarie et de cannibalisme. L'homme avait été jugé responsables de ses actes. Il est arrivé à Saint Maur en septembre 2001, après un séjour au centre national d'orientation de Fresnes (Val de Marne), qui est chargé de répartir les condamnés à de longues peines entre les établissements en fonction de leur personnalité. Il bénéficiait à Saint Maur d'un suivi psychiatrique. Cependant, il semble qu'il avait récemment interrompu son traitement. Dimanche, aucun signe avant-coureur n'avait été enregistré avant son passage à l'acte. L'homme aurait même joué aux cartes avec sa victime, sans incident.

Les meurtres en prison sont rarissimes. "Dans le cas de tels détenus, il n'est pas certain qu'un établissement pénitentiaire soit bien adapté. Et nous savons que la psychiatrie en prison souffre d'un manque de moyens encore plus crucial qu'à l'extérieur", souligne Remi Carrier, secrétaire général adjoint du Syndicat national pénitentiaire FO. Dans un communiqué, cette organisation parle "d'incident majeur" et "alerte le ministère de la justice sur la gestion des détenus longue peine".¨Pour sa part, l'UFAP compte "interpeller très sérieusement le ministre de la justice", Dominique Perben, sur "la question de fond posée par les détenus au profil psychiatrique lourd". Inquiets, détenus et surveillants constatent que "les prisons sont devenus des asiles de fous".

    Nathalie Guibert, Le Monde, 9.7.2004, http://www.lemonde.fr/web/recherche_resumedoc/1,13-0,37-860742,0.html?message=redirection_article

 

 

 

 

Le nombre des violences policières
en hausse en 2003 pour la sixième année consécutive

 

"Depuis 19 mois, il n'y a pas eu une seule bavure", s'était avancé un peu vite le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, dans l'émission "100 minutes pour convaincre", le 20 novembre, sur France 2. Pourtant, l'année 2003 a été la sixième année consécutive de hausse des violences policières. Le total des saisines s'élève à 611, contre 560 en 2002 et 517 en 2001. Dix cas de blessures mortelles ont été enregistrés, contre 7 en 2002.

Le nombre de blessures ayant entraîné une interruption temporaire de travail (ITT) de plus de 8 jours est stable (87, contre 82 en 2002). En revanche, les cas de violences et blessures légères, avec des ITT de moins de 8 jours ou sans ITT, ont fortement augmenté, passant de 471 en 2002 à 514 l'an passé.

L'institution policière et les associations dans les quartiers difficiles ont, sans surprise, une lecture radicalement différente de cette évolution. Pour ces dernières, elle est une conséquence du traitement strictement répressif de la délinquance par le gouvernement ; pour la première, les violences illégitimes constituent des dommages collatéraux dans la reconquête des "zones de non-droit" mais ne portent en rien atteinte à la vertu policière.

(...)

La police a payé "un lourd tribut", selon M. Sarkozy, à la lutte contre la délinquance. En 2003, 3 754 policiers ont été blessés et 9 autres sont morts.

Piotr Smolar, Le Monde, 28.1.2004,
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-350649,0.html

 

 

 

 

Surpopulation carcérale en France

 

C'est au-delà du pire. Plus accablant encore que tout ce qui a pu être dit et écrit sur les prisons françaises : «En France, les conditions de détention s'apparentent parfois à des traitements inhumains et dégradants», affirment dans leur rapport les experts du Comité européen de prévention de la torture (1) après une visite d'une semaine, au mois de juin, dans deux maisons d'arrêt et une centrale de haute sécurité. La visite de cette institution, émanation du Conseil de l'Europe, ne devait rien au hasard. Au contraire. Elle se trouvait «exigée par les circonstances», explique le CPT, en raison de «l'augmentation récente et alarmante du surpeuplement des maisons d'arrêt ainsi que du nombre de suicides».

Le diagnostic alarmant du CPT rejoint celui dressé depuis des mois par les syndicats pénitentiaires, les organisations de défense des détenus et des droits de l'homme. A Loos, près de Lille, le CPT a décompté 1 103 détenus (dont 25 mineurs) dans 461 places, soit un taux d'occupation de 239 %. A Toulon, il a constaté la présence de 348 prisonniers pour 145 places ­ 240 % d'occupation. Les conséquences de cette inflation carcérale sont «critiques» : à Loos, «les détenus vivent confinés à trois dans des cellules de 9 m2, ou au quartier des femmes, à quatre voire à cinq dans 12 m2». Les locaux sont «vétustes, mal entretenus et pour certains, dont le cabinet dentaire, insalubres». Dans les coursives, «des containers débordant d'immondices malodorantes étaient laissés plusieurs heures à l'entrée des sections par là même où étaient acheminés les chariots repas»..

Promiscuité. Même chose à Toulon, où les détenus dorment sur des matelas posés à même le sol, où les cellules sont «délabrées et mal entretenues» mais où, au moins, un effort d'entretien maintient les parties communes «en état de propreté convenable». Bien sûr, étant donné le ratio surveillants/détenus, il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de prendre des douches, qui doivent être accompagnées. Quant aux parloirs, ils sont écourtés et parfois supprimés. Sans parler de la «pauvreté» des programmes d'ateliers ou de travail qui relèguent l'immense majorité des prisonniers dans l'oisiveté totale. «Unanimes», les détenus et les surveillants ont raconté au CPT ce qu'entraînait cette promiscuité forcée : «la tension croissante dans les relations» tant entre détenus et surveillants qu'entre codétenus. Et la délégation a «de visu» observé «la mission quasi impossible pour les surveillant(e)s de devoir assumer seul(e)s la prise en charge de plus d'une centaine de détenus». En résumé, il s'agit là de conditions «intolérables».

A Clairvaux, centrale où sont purgées les longues peines, pas de surpeuplement. Le problème est ailleurs : dans le système sécuritaire renforcé au printemps 2003, sur ordre du garde de Sceaux, par la fermeture des portes des cellules dans la journée. Du coup, impossible aux détenus de se rencontrer et d'avoir accès aux salles communes de télévision. Pourtant, dès 2000, le CPT avait souligné devant les autorités françaises «la nécessité d'offrir aux détenus purgeant de longues peines des régimes compensant de manière positive et proactive les effets désocialisants de la réclusion de longue durée (...). Pour stimuler leur sens d'autonomie et de responsabilité personnelle». En pure perte.

Comment en est-on arrivé là en si peu de temps ? En 2000, comme le rappelle Patrick Marest, de l'Observatoire international des prisons, les élus de tous bords qualifiaient pourtant «d'humiliation pour la République» l'état des prisons. Tous s'accordaient pour les dépeupler et adoptaient la loi sur la présomption d'innocence ; la droite jugeant même qu'elle n'allait pas assez loin. Mais depuis deux ans, l'inflation carcérale a été sans précédent en France. Et sur le sujet, le CPT met directement en cause la politique du gouvernement Raffarin : «A la différence des responsables politiques qui soutiennent que l'augmentation de la population carcérale s'explique par l'aggravation de la délinquance (...), les hauts responsables de l'administration pénitentiaire et les interlocuteurs rencontrés» ont assuré que c'était le résultat d'une «politique pénale répressive», «de la tolérance zéro, de la sévérité accrue des parquets, de l'adoption d'un arsenal législatif répressif». Le tout conduisant à «ce taux d'incarcération galopant».

(...)

(1) Institution du Conseil de l'Europe dont les 35 membres (magistrats, juristes, psys, etc.) contrôlent les lieux où des personnes sont privées de liberté (prisons, centres de rétention, centres pour mineurs...).

«Traitements inhumains» dans les prisons françaises :
Le Comité européen de prévention de la torture blâme le surpeuplement carcéral.
Dominique Simonnot, Libération, 28.1.2004,
http://www.liberation.com/page.php?Article=174365

 

 

 

 

Population carcérale en France

 

Au premier février 1999, 51 206 personnes étaient incarcérées en métropole. Il s'agit d'une population essentiellement masculine, 49 189 hommes pour 2 017 femmes, soit moins de 4 %. Les maisons d'arrêt reçoivent les prévenus (détenus en attente de jugement ou dont la condamnation n'est pas définitive), et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an. Les centres de détention accueillent les condamnés présentant les perspectives de réinsertion les meilleures. Enfin, les condamnés à une longue peine sont détenus dans les maisons centrales. Les centres de semi-liberté autonomes permettent aux condamnés d'exercer une activité professionnelle."

Enquête sur l'histoire familiale d'un échantillon de détenus,
Ministère de la Justice, http://www.justice.gouv.fr/publicat/cdp1e.htm

 

 

 

 

Origine sociale des détenus en France

 

Un quart des détenus a quitté l'école avant d'avoir 16 ans, trois quarts avant 18 ans. Les indicateurs socio-démographiques (profession, âge de fin d'études) indiquent une sur-représentation des catégories sociales les plus démunies en prison.

La probabilité d'être incarcéré diminue très nettement avec la longueur des études poursuivies : elle est dix fois plus faible pour les hommes ayant terminé leurs études après 25 ans que pour ceux qui les ont interrompues avant 18 ans. Parmi les hommes incarcérés de moins de trente ans, la moitié a fini ses études avant 18 ans, soit trois ans plus tôt que pour la population générale.

Source secondaire : Observatoire des inégalités.
http://www.inegalites.ouvaton.org/article.php3?id_article=163

Source primaire :
Enquête INSEE sur l'histoire familiale d'un échantillon de 1 700 détenus
menée dans le cadre du recensement de la population
/ Ministère de la Justice.

Enquête sur l'histoire familiale d'un échantillon de détenus,
Ministère de la Justice
http://www.justice.gouv.fr/publicat/cdp1e.htm
http://www.justice.gouv.fr/publicat/cdp1a.htm

 

 

 

 

Mineurs en prison en France

 

(...) 800 mineurs actuellement détenus dans les prisons françaises.

Libération, p. 17, 22.12.2003.

 

 

 

 

Conditions de détention en France

 

Aujourd'hui, la priorité à laquelle la majorité des détenus se trouve soumise n'est pas d'exercer des droits mais d'assurer leur survie. Frappant désormais tous les types d'établissements pénitentiaires, la surpopulation, touchant trois détenus sur quatre, rend dérisoires l'ensemble des projets et des actions qui n'ont pas d'effet immédiat sur la vie quotidienne. (...) Pour ces personnes, chaque nouveau jour annonce une lutte vouée à l'échec contre le bruit, la saleté, les mauvaises odeurs, l'étouffement et, par voie de conséquence, la haine des autres et de soi. En 2002, 122 personnes se sont tuées en prison et, en 2003, le chiffre était déjà de 73 au 31 juillet. (...) Dans un pareil contexte, n'importe quelle politique de protection des droits et de retour à la vie normale ne pourrait qu'échouer. Les règles édictées par la loi dans ces deux domaines ont donc été contournées, délaissées et, dans certains cas, purement et simplement supprimées.

Extrait de la préface de Thierry Lévy
Président de l’Observatoire international des prisons - section française
Les conditions de détention en France - Rapport 2003
http://www.oip.org/publications/rapport_presentation.htm
http://www.oip.org/index.htm

 

 

 

 

 

Les conditions de détention en France. Rapport 2003.
OIP / Editions La Découverte, 2003.
240 p., 18 €

 

 

 

 

 

 

 

Procédures lourdes et discriminatoires

Les prisons françaises,
d'Action directe aux droits communs

 

Cent quatre-vingt-sept prisons en France, cent quatre-vingt-sept règlements différents. Ou absences de règlement. Les détenus le savent bien, qui lors d’une affectation ou d’un transfert prient pour ne pas tomber dans la mare au diable. Tous l’affirment : la vie quotidienne d’un établissement pénitentiaire reflète avant tout la personnalité de son directeur. Autant dire qu’une fois jugé, s’il est condamné à l’écrou, un prévenu, encadré par la gendarmerie, quitte en même temps que le prétoire la sphère du droit pour pénétrer dans celle de l’arbitraire administratif.

(...)

Dans la plupart des établissements pénitentiaires, où la seule règle qui demeure est de surveiller et punir, c’est le dernier des soucis. Débarrasser, peu importe comment finalement, la société de ses « déchets » ? Dans ce cas, c’est gagné. « Au total, la commission d’enquête a pu constater que les conditions de détention dans les maisons d’arrêt étaient souvent indignes d’un pays qui se targue de donner des leçons à l’extérieur dans le domaine des droits de l’homme et qui a été condamné à plusieurs reprises par les instances européennes, justement sourcilleuses en ce domaine. » Là encore, et pourtant peu suspect d’idées progressistes, c’est le Sénat qui parle (10).

Il y a vingt ans, la peine de mort a été abolie en France. Pas le suicide.

 

EDGAR ROSKIS, journaliste,
Maître de conférences associé
au département d’information-communication de l’université Paris-X (Nanterre).

Le Monde Diplomatique, juillet 2001, pp. 16-17
http://www.monde-diplomatique.fr/2001/07/ROSKIS/15329

(10) Prisons : une humiliation française pour la République, rapport n° 449, 1999-2000,
La Documentation française, Paris.

Voir aussi www.senat.fr

 

 

 

 

 

Organisation de la justice en France

http://www.justice.gouv.fr/justorg/justorg.htm

 

 

 

 

Carnets de justice >

Chronique de Dominique Simonnot

dans Libération    ****

 

En criant, le très jeune procureur réclame deux ans ferme contre un dealer de crack : «Nous en avons assez de cette mort que vous vendez !» Pendant la plaidoirie, le président examine les dossiers suivants. Le dealer prend deux ans et les policiers font lever Adrian, Juliana et Iliona, des Roumains, qui auraient écumé des parfumeries avec des cartes bancaires volées. «Vous faites quoi de ces parfums ?», demande le président à Iliona, 22 ans : «Je les envoie à mes soeurs en Roumanie.» Le président s'esclaffe : «Eh ben ! Elles sont parfumées pour le reste de leurs jours. Et que donniez-vous en échange de ces cartes bancaires volées ?» «De l'argent, mais je ne sais plus combien.» «Naturellement vous ne savez pas à qui !», poursuit le juge. Il passe à Juliana, 30 ans, déjà condamnée. «Et vous, pourquoi êtes-vous encore là, malgré une interdiction du territoire ? Et puis vous conduisiez la voiture, vous voyiez votre amie entrer dans six magasins, ressortir avec des sacs remplis et vous dites ignorer ce qu'elle faisait ?» Juliana dit être restée dans la voiture. «Bien sûr, ironise le juge, vous savez qu'elle est très riche, donc vous ne vous étonnez pas et vous rangez les sacs dans le coffre...» Iliona intervient : «Elle ne savait rien !» Le président sourit : «Devant les policiers et le procureur, vous avez toujours dit qu'elle savait. Seulement c'est plus difficile, là, devant elle !» Iliona baisse les yeux. Pour Adrian, le juge remarque : «Contre lui, la procédure ne tient pas.» Mais le procureur réclame six mois ferme pour tous : «Tout est faux chez ces trois-là !» L'avocat bondit : «C'est quoi, ce petit jeu ? On écarte d'un trait ce qui innocente ? On met tout le monde à égalité ! Ce garçon n'a pas de casier et, contre lui, aucune preuve ! Elle, Juliana, n'est pas entrée dans les magasins, et si elle a été condamnée, vous avez au dossier une fiche expliquant que son identité avait été usurpée.» Le président l'interrompt : «Maître, vous ne pouvez pas dire n'importe quoi !» Et l'avocat proteste : «Monsieur le président, la défense est libre.» Le juge montre le ciel noir : «Libre à vous de dire qu'il fait jour...» L'avocat enrage : «Vous jugerez après, je crois que ça se passe comme ça devant un tribunal...» Le président hausse les sourcils : «Le tribunal souhaite que les arguments de la défense soient solides et non qu'on ait la preuve au dossier qu'il s'agit de contre-vérités.» L'avocat s'époumone: «J'en rendrai compte au bâtonnier !» Il se tourne vers un confrère : «Appelle l'Ordre, je te prie !» «Maître, ordonne le président, allez manifester vos humeurs dehors !» L'avocat tourne les talons. Relaxe pour Adrian. Six mois dont quatre avec sursis pour Iliona. Six mois pour Juliana qui souffle: «Six mois !»

Et voilà Giovanni, un Italien, l'air bien embêté. Gare du Nord, à son retour d'Amsterdam, les douaniers ont trouvé 260 grammes de cocaïne dans chacune de ses chaussures. «Vous lui dites, demande le président à l'interprète, que s'il choisit d'être jugé plus tard pour préparer sa défense, il risque d'aller en prison de suite.» Giovanni choisit d'être jugé tout de suite. «J'étais à Amsterdam pour deux jours de vacances, raconte-t-il. Dans un bar, j'ai rencontré un homme qui m'a hébergé, il m'a donné ces chaussures que je devais remettre à quelqu'un à Paris, mais j'ignorais ce qu'il y avait dedans...» Le président résume : «Vous ne connaissez, bien sûr, ni le nom ni l'adresse de cet homme qui vous prie de mettre des chaussures, dont je lis que vous les trouviez très inconfortables, et je vois aussi qu'en échange de ce service, il vous a passé de l'argent...» Le procureur réclame trois ans ferme. L'avocat est gêné : «Ma position est inconfortable car mon client m'a donné une autre version que je ne peux vous livrer, étant lié par le secret ! Mais je peux vous dire qu'il préfère aller en prison, car s'il parle, il signe son arrêt de mort. Ne nous leurrons pas, il n'est que le maillon d'une chaîne.» Nul ne s'étonne qu'une telle affaire n'ait pas été envoyée devant un juge d'instruction. Et Giovanni part dix-huit mois en prison.

"Maître, vous ne pouvez pas dire n'importe quoi",
Paris, tribunal correctionnel, Dominique Simonnot, Libération, 22.12.2003
http://www.liberation.fr/page.php?Article=166967

Page société de Libération :
http://www.liberation.fr/page.php?Rubrique=SOCIETE

 

 

 

 

Discours de Badinter à l'Assemblée nationale
sur l'abolition de la peine de mort en France /

Abolition de la peine de mort >
Séance de l'Assemblée Nationale
du 17 septembre 1981

 

"Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur au nom du Gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France."

 

http://www.peinedemort.org/National/France/an-Badinter.php

http://www.ac-reims.fr/datice/hist-geo/textes/national/Abolitionpeinemort.htm

http://www.peinedemort.com/robert_badinter.php

http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/dossier_actualite/abolition_peine/questions.shtml

 

 

 

Guerre de 1914-1918 > Fusillés pour l'exemple

 

http://www.france5.fr/reperes/006062/10/99821.cfm

 

 

 

Victor Hugo > Contre la peine de mort

 

http://expositions.bnf.fr/hugo/arret/peine.htm

http://expositions.bnf.fr/hugo/pedago/dossiers/mort/pistes/proces.htm

http://expositions.bnf.fr/hugo/pedago/dossiers/mort/pistes/proces.htm

 

 

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